Le chantier de rénovation du boulevard Douville, tout en barrières, déviations et crevasses profondes, s’est refait une allure fréquentable pour l’été. Il réouvrira en septembre et, avec lui, reprendra une histoire unique, une œuvre réalisée par des acteurs particuliers, riverains, travailleurs, mais pas que…
Les protagonistes
Gérard, réalisateur et metteur en scène
Les bonnes idées arrivent parfois après de longues réflexions, des brainstormings, des efforts, des calculs. Ou bien elles arrivent d’un coup, limpides, souveraines, indiscutables.
Ce matin-là, Gérard se grattait la tête en regardant de l’autre côté de sa fenêtre, devant chez lui, les travaux du boulevard Douville. Il avait commencé à prendre régulièrement des photos du chantier, depuis qu’il avait débuté, mais il manquait quelque chose, un truc. C’est là que son épouse Annie, qui passait par là, lui a lancé d’un coup : « tu pourrais mettre en scène des Playmobil… » Il y a eu un blanc, et puis…bingo !
Gérard est allé acheter quelques boites, « dameuse de rue + 1 ouvrier », « ouvriers travaux publics », « ouvriers de voirie ». Ensuite, « chaque matin, vers 8h30, encore en pyjama, j’ouvrais la fenêtre de ma chambre pour voir où en était le chantier, si les gars étaient bien là, où j’allais pouvoir positionner mes travailleurs de plastique. »
Les acteurs
« Y’a un type qui nous prend en photo… » Les ouvriers sont allés voir leur chef de chantier. Méfiants. « C’est vrai qu’on n’aime pas trop ça sur les chantiers. On se demande toujours où les photos vont atterrir. On n’a pas forcément envie de se retrouver sur les réseaux… » Ludovic est allé voir Gérard. « Quand je me suis approché et que j’ai vu le matériel photo, les gros objectifs et les jouets qu’il posait sur un tuyau après les avoir sortis de son sac à dos, je me suis dit : mais c’est qui ce zigoto ?? » Gérard a souri, a expliqué ce qu’il faisait, que ce n’était pas pour se moquer de leur boulot, bien au contraire, et il a montré les photos. « Elles étaient sympas et ça m’a fait marrer. On s’est habitué à le voir. »
Gérard bis et Jacqueline, voisins d’en face
« Avec Jacqueline, mon épouse, on habite en face de chez Annie et Gérard depuis 10 ans, et on ne s’était jamais parlé. On connaît nos voisins mitoyens, mais le boulevard est large, roulant : l’autre côté semble très loin. Il a fallu ces travaux et les ateliers organisés par la mairie pour qu’on se salue. Un jour, en regardant par la fenêtre, j’ai vu Gérard disposant des Playmobil sur un engin de chantier à l’arrêt. » Gérard bis a fait un bon. « J’ai traversé la rue pour aller voir ce qu’il faisait : moi qui collectionne les Playmobil depuis 10 ans -j’en ai 7000 -, il fallait que j’aille rencontrer ce voisin qui s’y intéressait aussi ! Il m’a expliqué sa démarche. Je lui ai dit que s’il avait besoin de camions, de matériel, je pouvais les lui prêter. »
Jacqueline a apprécié : « Les photos sont drôles ! J’ai partagé sur mon compte facebook, les copains ont trouvé ça super. Et ça nous a permis de nous connaître, on a pris quelques apéros ensemble depuis…Gérard est comme nous, un peu fou . » Elle aussi collectionne les Playmobil ? « Non,moi c’est les Lego ! »
Le boulevard, suite
Les travaux sont en pause estivale, ils reprendront dans quelques mois. Le chantier propose de nouvelles rencontres. Qui interpellent Gérard et Gérard bis. « On s’est aperçu qu’un autre voisin collectionne aussi les Playmobil : devant sa maison un peu en retrait du boulevard, une plate-bande accueille tout un public.. »
Finalement, pour y voir tout-à-fait clair dans cette histoire, d’où est donc venue cette idée d’Annie, de mettre en scène des Playmobil dans les photos ? « C’est tout simple, sourit-elle. J’ai regardé par la fenêtre, et quand j’ai vu les ouvriers, silhouette carrée, chasuble et casque colorés, je me suis dit : tiens, on dirait des Playmobil ». La réalité est pleine d’imagination. Il suffit de savoir la regarder.
Scripte : Béatrice Ercksen – Photographe chef opérateur : Gérard Cazade
Les voisins : Jacqueline et Gérard bis
Les ouvriers : Ludovic, chef de chantier et ses collègues de l’entreprise DLE Ouest