Sauver des vies en mer est une chose formidable. Mais sauver les bateaux qui permettent de sauver les vies, les soigner, les réparer, les bichonner, ce n’est pas mal non plus. Cette prouesse-là se fait à Saint-Malo, “centre hospitalier national” des 236 canots et vedettes de la SNSM. Dix personnes y travaillent. Jérôme est l’une d’elles.
« Quand j’étais petit, le vendredi soir, je regardais avec de grands yeux Thalassa, assis à côté de mon père. Il était mécano poids lourds. Moi aussi, je voulais être mécano. Mais c’était pas les camions qui m’intéressaient. Je rêvais de plus gros moteurs. Et puis j’ai vu un reportage sur l’Abeille Flandre. J’étais émerveillé, et je suis resté fasciné par les bateaux de sauvetage. »
La suite est comme un long fleuve tranquille. Le jeune Malouin intègre le lycée maritime en section mécanique marine; et quand l’occasion se présente, il effectue un stage à la SNSM, quai Trichet : « c‘était inespéré; j’ai adoré ça!! » Dans ce chantier sont entretenus et réparés les bateaux de sauvetage de toutes les stations de la SNSM française, Outre-mer compris.
» Un bateau qui sauve des vies «
De la petite vedette de 8 mètres au canot-tous-temps, toute la flotte vient un jour se refaire une santé à Saint-Malo, à la mi-vie.15 ans de déferlantes, de coups de tabac, de remorquages, ça laisse des traces. Alors les techniciens malouins démontent, graissent, décapent, retapent, repeignent, pour que 15 autres années se passent sans anicroche. « On se dit qu’on n’a pas droit à l’erreur. Parce que préparer un bateau qui sauve des vies, c’est quelque chose. » Jérôme est si enthousiaste qu’à la fin de son stage, il revient travailler bénévolement à ce qui s’appelle aujourd’hui le Pôle de Soutien de la Flotte*. Fait d’autres stages, ailleurs, comme sur l’Abeille Bourbon. Obtient son BEP, puis réalise un apprentissage dans une entreprise malouine où il travaille pendant 2 ans, et décroche son Baccalauréat Pro Mécanique Marine.
» On s’attache à sa vedette «
Et puis un jour, il y a 8 ans…« On m’a appelé pour me dire qu’un poste de mécanicien était libre à la SNSM. J’ai dit oui tout de suite. » Jérôme devient, dans la foulée, sauveteur bénévole à la station dinardaise. « Ça a changé ma façon de voir les vedettes sur lesquelles j’interviens. Je sais comment le matériel est utilisé, comment il réagit. » En ce mois de février, deux vedettes sont en révision dans les locaux de la SNSM : le Notre Dame de la Garoupe, le canot de Saint-Martin aux Antilles. Et la vedette Commandant Jacques Le Boulanger, venue en voisine depuis Dinard. C’est celle de Jérôme. Sa coque vient d’être nettoyée, son hélice grattée, un de ses moteurs déposé. « Quand on est sauveteur, on s’attache à sa vedette. Alors la remettre en état, c’est émouvant, forcément.«
» ça n’empêche pas le stress «
Il se comporte comment sur l’eau, le « Cdt Jacques Le Boulanger »? « C’est un bon bateau, insubmersible, comme toutes les vedettes de la SNSM. » Le savoir n’empêche pas les moments de stress : « quand la station l’a reçu, il y a 4 ans, je suis allé l’essayer avec notre président. On voulait voir comment il se comportait, ce qu’il avait dans le ventre et jusqu’où on pouvait le pousser. C’était de nuit, il y avait de la mer. Il y a eu un tel bruit à un moment qu’on a cru qu’on avait tapé un caillou.C’était juste le fracas de la vedette tombée de la crête d’une très grosse vague, mais on a eu quelques secondes d’inquiétude… » La SNS 244 sera bientôt remise à l’eau et reprendra ses sorties depuis Dinard, de jour comme de nuit, été comme hiver, par vent de force 10 comme par temps calme.
» J’adore mon boulot «
En attendant, Jérôme et ses collègues le bichonne dans le hangar que la SNSM vient de faire construire, avenue Louis Martin. Un bâtiment flambant neuf, aux couleurs de l’association. « Ça nous change de nos anciens locaux. On travaillait dans le froid, dans les courants d’air et dans l’humidité, le plus difficile à supporter. Je suis content de bosser ici, les conditions sont idéales. » Pas envie de bouger? « C’est vrai que si je n’avais pas intégré la SNSM, je me serais bien vu sur un ferry. Mais j’adore mon boulot, et puis je bouge, mine de rien : d’abord en étant sauveteur. Et puis en partant en mission dans toute la France : quand une panne ne nécessite pas le déplacement d’un canot jusqu’à Saint-Malo, je vais réparer sur place. Comme en Guadeloupe, où j’ai passé une semaine sur le moteur de la vedette de Basse-Terre. J’y ai laissé quelques litres de sueur. »
L’émotion est là
Le seul regret de Jérôme, c’est de ne pas faire de bateaux neufs. « Les chantiers de construction s’en chargent. C’est pourtant arrivé qu’on nous confie le travail, parce qu’un chantier avait trop de boulot. On recevait des coques tout juste sorties du moule et, en 5 mois, on faisait un bateau de A à Z, comme le canot du Tréport. Quand on l’a mis à l’eau, qu’on l’a essayé, on était drôlement émus. C’est comme quand on entend parler d’un sauvetage réalisé avec un bateau passé par notre atelier : on se dit que ce qu’on a fait, ça a aidé à sauver des vies. »
textes Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE
*Le Pôle de Soutien de la Flotte s’appelait jusqu’à l’an dernier Centre d’Entretien et de Réparation de l’Ouest (Cero)
En plus de Saint-Malo, chantier principal de la SNSM, l’association compte un second petit chantier naval de proximité situé à Palavas-les-Flots.
Encore une belle découverte d un métier peu connu mais si important merci
Bonjour
C’est toujours un plaisir de lire les reportages sur ces humbles personnes qui font de St Malo un grand port. Et là nous avons à faire un jeune homme courageux par son bénévolat à la SNSM et son travail comme mécano pour entretenir et réparer les bateaux de la SNSM qui partent sauver des humains. Merci à lui. Et à vous, pour ce reportage. Merci mon copain Gérard.
Merci pour ce beau reportage
Félicitations à Jérôme ,ce jeune homme passionné par son métier de mécanicien ,son amour des bateaux de sauvetage et son envie de sauver des marins dans la détresse ,parfois au péril de sa vie ! Merci également à tous ses collègues de la SNSM pour leur dévouement .
Très beau reportage qui nous immerge dans l’activité de Jérôme et sa passion.