Cela fait 55 ans que Véro est malouine. Mais d’une façon particulière. Le Saint-Malo qu’elle aime, auquel elle appartient, est une ville qui n’existe qu’à certains moments, très forts et ancrés au plus profond de son cœur, une ville qui sent bon l’enfance, la fête et les vacances, une ville à laquelle elle a décidé de rester fidèle.
L’origine
« Quand il a fallu choisir où partir en vacances, mon père a proposé Saint-Malo. Il y était venu avec ses parents et avait beaucoup aimé la ville. C’était en 1967, j’avais 7 ans. L’année suivante, ma mère a dit qu’on pourrait peut-être aller ailleurs, que ce serait bien de voir autre chose. À Evian par exemple, dont elle avait récupéré une publicité. Elle n’a pas réussi à nous convaincre : on est retournés à Saint-Malo. »
Au Sillon
« Mes parents ont trouvé une location sur le Sillon où on est revenus chaque mois d’août, pendant 40 ans. On était heureux. Dans nos valises se trouvait la collection de cartes postales des corsaires d’Étienne Blandin, avec Borgnefesse, Bréchues dents, Ma mignonne, Jambe de chien… Mon père en achetait une chaque année à La palette bretonne, rue de Dinan. Sitôt arrivé à Saint-Malo, il les disposait sur les miroirs de notre logement, jusqu’à notre départ. À Lisieux, mon père ne les sortait jamais. Comme si leur place était à Saint-Malo, et pas ailleurs. »
L’horizon
« La fenêtre donnait sur la plage, la mer, le large. Au bout de quelques années, mes parents ont acheté une longue-vue chez Bénic. Je passais du temps à regarder les bateaux. Quand j’en voyais un approcher du port, je courais jusqu’à l’écluse de Saint-Servan. Le passage des écluses était pour moi un spectacle fascinant. Mes parents m’accompagnaient parfois. »
Le fil des jours
« Mes parents étaient des gens d’habitudes, le déroulement de nos journées variait peu : le matin, promenade intra-muros. Le soir, dîner au café des Pêcheurs, rue de Dinan, où on recevait avec provisions. On apportait nos sandwiches et nos œufs durs. L’après-midi, mon père pastelliste travaillait ses toiles qu’il accrochait ensuite sur les murs de notre location. Moi, j’allais à la plage, pour bronzer ou jouer. Je jouais au guide des rochers comme il y a des guides de montagne : j ‘étais fille unique, j’emmenais dans mes visites des groupes imaginaires. Je leur faisais faire le tour du fort national en évitant les trous, les rochers coupants ou glissants… J’allais aussi faire du cheval à Saint-Coulomb : mes parents m’offraient chaque été 10 séances à La Cravache, où j’ai appris à monter. »
L’ancrage
« Je me suis sentie malouine à l’adolescence : pendant une dizaine d’années, dès l’âge de 12-13 ans, j’appréhendais de quitter Saint-Malo à la fin août, et de retrouver ma vie à Lisieux. Pendant deux jours, je n’avais envie de rien ni de personne. Je ne voulais voir ni Lisieux, ni la tronche des voisins, ni mes copains qui m’avaient pourtant manqué. Je rêvais de vivre à Saint-Malo. C’était chez moi. »
Contagion
(Christian, son mari ) « Lorsque j’ai connu Véro, elle m’a proposé de venir avec elle à Saint-Malo passer les vacances. J’étais pas très chaud : j’appréciais ses parents, mais de là à passer 15 jours dans le même appartement…J’avais tort de m’inquiéter : la cohabitation s’est bien passée. Je partageais avec le père de Véro la même passion pour le dessin. Lui c’était le pastel, moi l’aquarelle. On allait refaire notre stock de matériel chez Denais, le magasin de beaux-arts de la rue Gouin de Beauchesne. Et puis surtout, je suis moi aussi tombé amoureux de Saint-Malo.
Le sentiment d’appartenance à la ville est passé par la peinture. Je me suis senti malouin lorsque j’ai intégré avec mon beau-père le groupe des Peintres malouins, que j’ai exposé mes aquarelles à la halle au blé et qu’on s’est fait des amis. Comme mon beau-père, lorsqu’il a fait don au musée de la ville d’un de ses tableaux représentant l’incendie de Saint-Malo en 1944. Ça a été pour lui une grande fierté, une grande émotion de voir une de ses œuvres exposée au musée de la ville qu’il aimait. Il s’est senti chez lui. »
Déménager ?
(Véro) « On s’est dit toute notre vie qu’on pourrait habiter ici. On n’a jamais sauté le pas . Pourtant, on aurait pu. Certains de nos amis malouins nous ont donné l’exemple : un couple est même venu s’installer en Normandie, à 20 km de chez nous ! Un de nos fils aussi a profité de son boulot pour venir vivre là quelque temps. Le décès de mes parents aurait pu changer la donne, mais non, on a décidé de continuer à faire comme avant. Peut-être qu’on a eu peur aussi de casser la magie. L’été et les grands week-ends à Saint-Malo, avec les artistes, les musiciens, les portraitistes, la plage, le bronzage, les îles, les balades en bateau, c’est quand même une autre vie, très forte, unique. Mais on a quand même osé quelque chose … »
L’aventure
« Christian est en retraite depuis quelques années, je le suis depuis quelques semaines. Alors pour la première fois, on est venus découvrir Saint-Malo en dehors de l’agitation, hors saison et en semaine, début avril. On a loué un studio rue Thevenard, au coeur d’intra-muros. Comme à chaque fois, on a laissé la voiture à Rocabey et on s’est déplacé à pied. Et on a adoré aussi ce Saint-Malo plus tranquille ! On a trouvé sans problème une table sur la terrasse du Charly’s pour notre café matinal, on a eu les remparts rien que pour nous ou presque – il faut dire que la pluie nous a bien aidés…-, on a apprécié les commerces moins remplis. Mais ça ne changera pas notre décision.
Et puis, vous savez, ce peut être une chance de venir de loin. Nos vacances commencent dès qu’on monte dans la voiture. Pas question de prendre l’autoroute, on emprunte les chemins de traverse, on prend notre temps. Cette balade tranquille fait partie des vacances ; Saint-Malo est son aboutissement. On éprouve toujours la même joie quand, sur la route, on voit le premier panneau indiquant Saint-Malo. Et quand on passe le panneau d’entrée de ville à Paramé, du côté du camping de La Fontaine, on se dit en souriant « ça y est, on est à la maison. »
Texte : Béatrice Ercksen Photos : © Gérard Cazade
Bonjour et bravo à tous les deux pour ce nouveau portrait
Cela m’intéresserait de connaître les noms du père et du mari de Véro car, ayant fait partie longtemps du « groupe des peintres malouins » et beaucoup exposé avec eux à la halle aux blés dans les années quatre vingts, j’ai dû les rencontrer.
Amicalement
Bonjour Alain, merci pour votre message! Le nom de Christian est Bacq, il a un compte facebook à son nom. Je ne connais pas le nom de jeune fille de Véro mais via messanger, vous pourrez contacter Christian si besoin. A bientôt pour admirer votre prochaind expo 🙂