À Saint-Malo, Jean-Claude embarque des apprentis corsaires sur la réplique du dernier cotre armé par Robert Surcouf. Malouin(e) suis vous raconte l’épopée maritime d’un gamin que rien ne destinait à devenir ce capitaine ad hoc…
Bienvenue à bord
Il y a des routes qui semblent toutes tracées, surtout quand on est né à Sochaux, berceau de Peugeot. La première embardée de Jean-Claude, il l’a doit à son père : « il faisait partie d’un club de voile. Ce n’était pas vraiment un voileux, mais il aimait l’ambiance des clubs nautiques et s’intéressait à la construction des bateaux. Grâce à lui, je suis monté dès 7 ans sur un Optimist, sur un plan d’eau qui faisait 3 fois la grandeur du bassin Vauban. Ce n’était pas grand, mais ça a suffit à me rendre accro à la voile. » Le gamin grandit, passe son bac et se destine à travailler pour l’industrie automobile. Sans conviction ni passion. Jusqu’au jour où, dans un journal, « je suis tombé, avec ma sœur jumelle, sur une annonce pour une formation d’éducateur en milieu marin. Dans la vie, il y a des coups de pouce du destin…On a pris le volant, direction Brest. Depuis ce jour, la voile a été le fil conducteur de ma vie. » Jean-Claude a 20 ans, découvre « la navigation en mer, les vagues et le vent soutenu ». Il ne quittera plus la Bretagne.
Hissez les voiles !
La cité corsaire cherche à développer l’école de voile à Bonsecours ? Ça tombe bien. Jean-Claude, 25 ans, est diplômé et libéré de ses obligations militaires. À Saint-Malo, tout est à faire – « l’école de voile se résumait à 3 Algeco » – et le jeune homme relève le défi. L’aventure est belle, enthousiasmante, collective. Elle va durer 17 ans et faire émerger « des champions du monde de Hobie cat, des capitaines de la compagnie maritime Le Ponant, de grands skippers… », sourit Jean-Claude. Elle a surtout permis à une flopée de jeunes scolaires malouins de découvrir et pratiquer la voile dans leur baie.
Virement de bord
Jean-Claude est débarqué de l’école de voile. Pas question, pour autant, de rester sur le plancher des vaches…À plus de 40 ans, il retourne sur les bancs de l’école et décroche son brevet de capitaine 200, pour devenir skipper. En attendant de trouver un boulot, puisqu’il faut bien manger, Jean-Claude embarque sur un bateau qui pêche le bulot, « un métier difficile auquel je me suis fait au bout de quelques jours. Pas ma femme Isabelle : comme elle ne supportait pas mon odeur, à chaque retour de campagne, elle me préparait un bain moussant avec un produit qui sentait fort, bien chimique, rit le capitaine. Heureusement que je n’ai fait qu’un mois et demi, sinon elle nous aurait mis sur la paille avec les flacons qu’elle achetait… »
Le grand large
« Ça te dirait d’aller en Suède et de ramener Marité ? » Inattendue, la demande vient de Bob Escoffier. « Je ne savais pas qui était cette Marité, mais j’étais prêt à aller la chercher n’importe où », sourit Jean-Claude. Le terre-neuvier français, remis en état par des passionnés suédois, vient d’être racheté par d’autres passionnés français, soucieux de voir revenir le morutier dans l’hexagone. À la barre du trois-mât goélette, dès la sortie du port de Stokholm en 2004, Jean-Claude alterne entre « appréhension, plaisir et fierté ». Son histoire avec Marité durera quelques mois ; ils navigueront de port en fête maritime et accueilleront pendant des semaines le tournage de l’émission Thalassa. Jean-Claude intègre le staf d’Étoile marine croisières et va naviguer avec Bob Escoffier « sur toutes sortes de vieux gréements et sur des bateaux modernes comme les catamarans de courses, un peu partout. »
À l’abordage
Depuis 2016, Jean-Claude est donc capitaine du Renard, après avoir été celui de l’Étoile du Roy pendant 4 ans. De Pâques à octobre, il accueille des équipages éphémères pour l’aventure. Qui commence au bord du quai. « C ‘est le moment le plus délicat » s’amuse le capitaine. Il faut dire que, pendant la saison touristique, pour ne pas avoir à passer les écluses trop gourmandes en temps, le Renard mouille dans l’avant-port. Seule façon d’y accéder : l’annexe, qu’on emprunte depuis la cale de Dinan, puis l’échelle, taillée dans la coque pour grimper à bord. Un vrai baptême de marin pour commencer une vie de corsaire.
Selon l’état de la mer et le vent, le cotre file vers la Conchée, le long de la côte dinardaise, derrière Cézembre. Mais ce n’est pas ça qui compte. « Avant, les gens venaient simplement faire une balade en bateau. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, ils veulent entendre et vivre des histoires. Alors on fait un peu de théâtre, on sort le sabre pour narrer la dernière bataille du Renard contre la goélette anglaise Alphea, on les fait participer aux manœuvres…Nos visiteurs sont à bord pour passer un bon moment et échanger. Une journée de voile réussie se passe sur un bateau qui a une histoire, avec des gens heureux d’être là. Le partage est à mon sens aussi important que la sortie en mer. »
Et on crie « À l’abordage ! » quand on voit passer un bateau anglais ? « On ne va pas jusque là…Mais c’est vrai qu’à bord, les Anglais ont les oreilles qui sifflent, rit le capitaine. C’est de bonne guerre…Nos passagers anglais, quand on en a, se prêtent souvent au jeu. »
Barrer un vieux gréement, c’est comment ? « Il faut composer avec les vagues et le vent, comme pour tout bateau. Ce qui diffère, c’est le poids et l’encombrement ; on doit davantage anticiper les manœuvres car les réactions sont plus lentes. J’aime bien le Renard, même si ce n’est pas le bateau le plus performant, parce qu’il est attachant : il a une histoire et parle aux gens, qu’ils soient visiteurs ou Malouins. »
Nous sommes en novembre, le Renard a pris ses quartiers d’hiver quai Duguay-Trouin. Son capitaine vient le surveiller et l’entretenir, jusqu’à la prochaine saison. Pendant cet hivernage, Jean-Claude transmet son savoir et son expérience aux futurs marins du lycée maritime de Saint-Malo. Encore une histoire de partage.
Texte : Béatrice Ercksen Photos : Gérard Cazade
Le Renard est la réplique d’un cotre armé par Surcouf pour la guerre de course contre l’Angleterre. Le Renard d’origine mesure 20 mètres (de coque), jauge 70 tonneaux, est armé de nombreux canons. Il a reçu sa lettre de marque (l’autorisation accordée par le roi de France pour saisir les bateaux des nations en guerre contre la France) le 1er mai 1813. En 1988, une association se crée pour reconstruire le Renard dans le chantier naval malouin de Raymond Labbé. Le navire sera mis à l’eau le 18 mai 1991 devant des milliers de personnes : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/rnc9105190565/lancement-du-renard-des-mers-a-st-malo-pendant-le-festival-etonnants
Le Renard est géré par Etoile Marine Croisières
Merci pour ce nouveau portrait, celui-là nous plait d’autant plus que nous avons fait plusieurs sorties sur le Renard où nous avons fait la connaissance de Jean Claude et Yohann et gardons de merveilleux souvenirs de ces moments. Beau parcours Capitaine, faites rêver encore beaucoup d’autres passagers.
Capitaine La Hulotte
Merci capitaine! Bises!
Encore une belle aventure !!!
Merci pour ce récit que j’aurai vivre étant plus jeune mais la vie nous réserve bien des surprises….
Merci de nous faire rêver .
J’espère faire connaissance de ce MONSIEUR un jour et partager avec quelques anecdotes malouines….
Allez le voir sur le Renard! Il sera ravi de discuter avec vous