Paul est venu il y a quinze ans à Saint-Malo, comme on abat sa dernière carte. Enfant de la DDASS, il cherchait sa famille, son identité, se sentait à bout de souffle, attendait un signe. Et puis, « quelqu’un m’a dit qu’il y avait un gars qui me ressemblait à Saint-Servan… »
Ça peut sembler peu de chose. « Oui, je sais bien, mais j‘me suis dit que c’était peut-être mon frère. Alors j’ai quitté Rennes et je suis venu à Saint-Malo« .
Paul a cherché. Il a erré au hasard des rues. Il n’a pas trouvé le gars qui lui ressemblait mais il a rencontré une ville qui lui a plu, et d’autres gens qui l’ont accueilli. Aujourd’hui, il a son chez lui, son boulot. Paul est agent d’entretien, adjoint du moniteur de cirque le mercredi (« j‘aime ça, le cirque, quand j’étais à Rennes, j’ai travaillé au cirque Pierre Richard ») et bénévole pour tout le reste ou presque à la Jeanne d’Arc. « Il est courageux, travailleur, et disponible dès qu’il y a une animation, un tournoi, quelque chose à monter ou à démonter », dit Jean-Pierre, membre de l’association. » Et il est toujours de bonne humeur! »
Un autre
Paul aime bosser, rendre service, et il entretient aussi une passion : le déguisement, puisque, allez savoir pourquoi, Paul adore ça, changer d’identité, en essayer de nouvelles. Il a couru les brocantes et les ventes d’associations caritatives à la recherche de costumes. « J‘en ai une malle entière : cow-boy, zorro, marin… »
Un beau jour enfin, il a trouvé son costume préféré, son identité de coeur. « Le pirate! J’adore les histoires de marins, et surtout de pirates. Je collectionne les bouquins qui parlent d’eux. J’ai le pantalon noir, la chemise blanche, le chapeau, le bandeau, le pistolet, le sabre. J‘ai pas encore trouvé les bottes, mais je continue de chercher. »
Son coeur balance
Dès qu’il le peut, Paul enfile son costume, direction intra-muros. « Un jour, je me suis mis à faire le pirate dans la rue. C’est venu comme ça. » Devant la porte Saint-Vincent ou au bas de la cathédrale, il s’allonge sur une chaîne entre deux plots, chevilles et bras croisés, chapeau sur les yeux, se balançant ou immobile,comme s’il dormait. Un truc d’équilibriste autant que de marin, qui ne passe pas inaperçu. Intrigués, amusés, les passants ralentissent, s’arrêtent, certains déposent une pièce, d’autres plus audacieux lui posent une question. » Ils me demandent souvent s’ils peuvent me prendre en photo avec eux ou avec leurs enfants. Bon, des fois, les enfants ont peur de moi. Mais les gens sont contents…«
« J’ai trouvé mon bateau! »
La récompense de Paul, une fois sa journée terminée, c’est l’Étoile du Roy. Le bateau, presque corsaire, quasi pirate, le fascine. C’est qu’il en aurait tracé, des bordées, à l’aventure, sur un vaisseau pareil, avec de hardis compagnons. « Ils me connaissent bien, ils me laissent monter à bord pour que je prenne des photos du bateau, j’en ai plein. » Il est comme chez lui dans cette autre époque, d’explorations, d’abordages et de gloire, qui ne lui aurait pas déplu.
« Paulo, c’est un gars super sympa, sourit Titouan le corsaire (la différence entre pirate et corsaire a l’épaisseur d’une feuille de papier : la lettre de marque, qui permet de tuer et piller avec la bénédiction du Roy) . Je l’ai rencontré début juillet, quand j’ai commencé le boulot. Son histoire me touche. Il vient 2 ou 3 fois par semaine, il est toujours content de nous voir et de nous ramener des visiteurs. » Paul sait faire ça comme personne. « Il prend son poste en haut de la passerelle et il interpelle les gens qui passent pour qu’ils visitent le bateau. Il parle de la même façon à tout le monde, il est drôle, il n’a peur de rien. » Titouan se marre : « Paulo, il a pas de filtre… ».
Et ta famille Paul, l’as-tu enfin trouvée? « Non… » Son sourire vacille. » Je ne cherche plus, je suis trop vieux. ». Notre pirate malouin ne découvrira jamais son île, mais il a peut-être trouvé d’autres trésors. » J’ai trouvé ma ville, Saint-Malo. Ma famille, aujourd’hui, c’est la J.A. et tous les gens qui me connaissent et qui m’aiment. C’est bien.«
textes Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE
Le terme de pirate vient du grec πειράω signifiant « essayer de« , et du latin pirata, « celui qui tente la fortune », « qui est entreprenant ». La piraterie a eu ses grandes heures aux 1er et 2e siècles; puis aux 17e et 18e siècles.
L’Étoile du Roy est la réplique d’une frégate corsaire malouine de 1745. Ce 3 mâts de 310 tonneaux était armé de 20 canons et embarquait 240 hommes d’équipage.
La J.A. est une association sportive et culturelle de 2500 adhérents, une des plus importantes de Bretagne. Elle accueille également des pratiquants occasionnels et des scolaires. Elle propose 16 activités.
Paul, continuez à vous amuser.
Belle histoire, touchante
Merci Christophe. Et merci de vous être abonné : quand nos Malouinsuis deviennent nos lecteurs, on est heureux!