Chaque année, en janvier, Étienne pose sa caravane et son stand à la Sainte-Ouine. Étienne est un commerçant forain, un itinérant, « comme l’étaient mes parents, comme le sont mes beaux-parents, comme le seront mes enfants. » C’est bien plus qu’une simple habitude, une vraie histoire de fidélité, d’amitié, d’appartenance. C’est Jacques, son beau-père, qui la raconte. « Mes parents venaient déja à la Sainte-Ouine, et j’allais pendant ce mois-là à l’école intra-muros, à Sainte-Croix, ou au Petit Choisy. J’ai connu le pardon des Terre-Neuvas, qui se tenait en même temps que la foire. Pendant longtemps, on a installé nos caravanes derrière nos métiers, c‘était bien : on faisait travailler les commerçants des murs, on se promenait quand la foire était fermée, on allait aux berniques sur la plage. » Et puis les temps ont changé : « les caravanes sont parquées près de l’hippodrome. On est bien installés. Mais pour aller se promener, il faut prendre la voiture. Et quand on fait les courses, c’est au supermarché. »
Les amis
Jacques a 77 ans aujourd’hui, et ne tient plus de stand. Mais il est toujours -plus que jamais?- un Malouin de janvier : « je viens avec ma famille, bien sûr. Je donne un coup de main à la Sainte-Ouine. Je me promène, et je passe prendre le courrier. » Le courrier? « Il arrive à Château-Malo. Il faut bien avoir une adresse, pour les assurances, la sécurité sociale… » Depuis 40 ans, les enveloppes arrivent chez Pierre et Dany. » Je pourrais dessiner la carte des fêtes foraines du pays, s’amuse Pierre. Quand il arrive sur une foire, Jacques m’appelle pour me dire où réexpédier son courrier et celui de ses enfants. »
Une pause pour les voyageurs
Pierre a été directeur d’une école primaire d’intra-muros. Depuis sa prise de fonction, en 1975, jusqu’à sa retraite, il a accueilli les enfants des voyageurs. Lorsqu’Harry, son élève et fils de Jacques, est tombé malade, Pierre a aidé à remplir les papiers, à monter les dossiers pour obtenir des aides. Et de fil en aiguille… « Le courrier de Jacques a commencé à arriver à la maison, c’était plus pratique. Et ça a continué. Notre maison est devenue l’adresse de la famille. » Cela a pu causer quelques malentendus, dont on rigole encore, autour d’une tasse de café. « Romy, la fille aînée d’Étienne, est née à Saint-Malo il y a 22 ans. Elle était donc, pour l’administration, domiciliée ici. Un jour, on a vu débarquer une personne de la CAF, elle voulait voir le bébé. Elle n’arrivait pas à admettre que Romy n’était pas l’enfant de la maison. » Romy, née pendant la Sainte-Ouine, a montré le chemin : deux autres petits-enfants sont nés eux aussi dans la cité corsaire, pendant la fête. Un clin d’oeil du destin pour la famille?
L’école, les courriers, les aléas de la vie, tout cela crée des liens, entre les forains et une ville, entre Jacques le forain et Pierre l’instituteur. « Quand le papa de Dany est décédé, Jacques était à l’enterrement, raconte Pierre. Il avait pris la route depuis le centre de la France, pour être avec nous. »
Les habits d’hiver
Étienne tient un petit stand de jeu de logique, près de la Grand Porte, entre parfums de croustillons, cris de joie, musiques et sirènes. C’est un Malouin particulier : il ne connait Saint-Malo qu’en habits d’hiver. Et pourtant. « Ce que j’aime, quand je viens ici, c’est que je suis un peu en vacances : on n’ouvre que le mercredi et les weeks-ends. On ne fait pas beaucoup d’argent, mais ça couvre les frais et ça permet de souffler. Ça repose quand on sort de la fête foraine de Rennes. » Ensuite , ce sera Dinan, Laval, Caen. L’été d’Étienne débute à Orléans. « Après , ça sera peut-être Toulouse, ou Strasbourg, en fonction de nos envies, du moment et des places disponibles. Je navigue au gré du vent. » Naviguer? Comme un Malouin?
texte : Béatrice ERCKSEN /photos : © Gérard CAZADE
La sainte- Ouine que de souvenirs
On se réserve un tour de manège et une tournée de croustillons en 2019?
J’ai habité Saint Malo intra-muros de 1971 à 1973. Excellents souvenirs de la Sainte Ouine ! En particulier, d’un manège (circuit de courses de voitures), des stands de loteries où j’ ai gagné de beaux lots (peluches et poupée) et des délicieux croustillons. J’ai eu l’occasion de retourner à la Sainte Ouine en 2014 ! Que de bons souvenirs !
Patricia, les manèges ont changé mais les croustillons sont toujours aussi bons…