1 juillet 2017

Yann et les Malouins à plumes

By In Portrait

Saint-Malo est aussi la patrie d’habitants particuliers : un peuple de résidents criards et emplumés, saisonniers ou à l’année, les oiseaux marins. Yann, guide naturaliste, connait sur le bout des doigts ces Malouins d’un autre genre. Pas question d’en faire ici l’inventaire. Mais on vous propose d’en approcher quelques-uns, des plus visibles aux plus remarquables, avec lui.

Le grand méchant

À tout seigneur, tout honneur : place au goéland marin,  » le maître sur son territoire. » C’est le plus grand des goélands d’Europe, avec une envergure qui frôle le mètre 70, un bec jaune mastoc, des pattes rose pâle, un dos et les ailes presque noirs. « Sur un rocher, c’est celui qui est perché le plus haut, il ne tolère aucun oiseau au-dessus de lui. Il bouffe les oeufs et les petits des autres, attaque pour défendre son territoire, les oiseaux comme les hommes : un gars du Conservatoire du littoral s’est fait à moitié scalper l’an dernier à Cézembre. Les autres goélands en ont la trouille. » Les autres, ce sont en majorité le goéland argenté, au dos et aux ailes gris clair avec un bout noir, pattes roses, et le goéland brun, moins costaud que le marin, ailes gris ardoise, bec plus fin et pattes jaunes. Et pour arrêter de confondre goélands et mouettes -non, mais!-, « la mouette est plus petite, elle a les pattes et le bec rouges, et un casque noir du 15 mars au 15 août. »

goéland argenté

Le plus rigolo

« C’est l’huîtrier-pie. Il a un côté sale gosse, ado, espiègle qui me plait bien. Quand on approche en bateau d’Harbour ou du Bénétin, où il y en a beaucoup, ça piaille, on a vraiment l’impression de se faire engueuler. » Regardez bien en vous promenant du côté des bés, vous apercevrez l’échassier noir et blanc, au long bec rouge orangé et aux pattes roses. Gueulard, mais sympa : en septembre, l’huîtrier-pie malouin accueille les potes hollandais et anglais, en villégiature jusqu’à la fin de l’hiver.

Les plus toniques

« Ce sont le gravelot et le tournepierre ». Le gravelot, au bec court et aux pattes claires, a un côté Forrest Gump : il court sur le sable, s’arrête quelques instants pour picorer, en suivant souvent le va et vient de la mer. C’est un petit nerveux, au cri aigu, toujours sur la même note. Il a un vol très rapide, au ras de l’eau, avec de brusques crochets. Le tournepierre est lui aussi impressionnant : ce petit échassier trapu, aux pattes orange, au plumage bigarré, passe des heures à retourner les cailloux et les algues avec son bec pointu, à la recherche de nourriture. « Il va très vite, c’est marrant. Il y en a plein la nuit sur le Sillon, ils font leur vie sur l’estran, peinards. Les lève-tôt auront la chance de les apercevoir; après, ils se planquent toute la journée. »

gravelots

La préférée du guide

« La sterne est mon oiseau favori. Elle arrive avec le printemps, repart en septembre, et son cri strident est le fond sonore de l’été, il a le son de la plage. On la voit plonger en piqué, d’une hauteur de 10 ou 15 mètres, pour aller chercher les alevins en s’immergeant complètement. C’est un des plus grands migrateurs au monde. Les sternes de chez nous passent l’hiver en Afrique. Quand je les vois, je m’imagine avec elles en Mauritanie ou au Sénégal… » La sterne la plus fréquente en Bretagne est la pierregarin, au bec et aux pattes rouges, au corps blanc et cendré. On la reconnaît facilement depuis la digue promenade. Son vol est souple et élégant, son plongeon spectaculaire.

Le plus portuaire

Le grand cormoran n’est pas un plagiste. Comme le goéland, il aime le port. On le voit perché sur les poteaux des pontons pendant de longs moments, les ailes déployées. Il ne prêche pas, il sèche. Car le cormoran n’est pas imperméable, figurez-vous, et doit étendre ses ailes comme on étend notre linge. « En hiver, il partage parfois les bassins avec le grèbe huppé qui arbore une double huppe noire. On ne peut pas confondre le grèbe avec le cormoran, au plumage noir avec une tache blanche dans le cou, au bec jaune terminé par un crochet. » Tous deux peuvent plonger profond et longtemps, et parcourir de grandes distances sous l’eau.

La plus hivernale

Venue de Sibérie, l’oie Bernache prend ses quartiers d’hiver de novembre à mars. On l’aperçoit en groupe sur la plage de Bonsecours, au havre de Rothéneuf, dans le port de Cancale. On la reconnait à son cancanement et à son croupion d’un blanc immaculé. Parfois, comme sur la vasière du Lupin, elle côtoie le Tadorne de Belon, un gros canard multicolore -rouge, vert, blanc, noir, roux- « qui niche dans les anciens terriers de lapins. »

Les plus îliens

Et puis il y a Cézembre, un monde à part. « 70 ans sans présence humaine en ont fait un sanctuaire. J’y ai vu des espèces égarées, comme l’ibis sacré du Nil, ou rarissimes, comme la chouette des marais. J’y observe souvent des guillemots et des pingouins torda. » Des pingouins à Cézembre, sans blague? « Quand j’annonce ça aux personnes que je guide, elles me regardent avec de grands yeux. Et quand je dis qu’ils volent, là, elles me prennent pour un cinglé… Pour les gens, le pingouin vit aux pôles et se déplace en se dandinant. Ils confondent pingouin et manchot. » Cézembre, paradis des volatiles en tous genres, pourrait malheureusement se transformer en enfer : « on a découvert des traces de vison américain, un terrible prédateur pour les oiseaux. On constate la même chose dans beaucoup d’îles bretonnes. Le vison arrive à la nage; il est capable de parcourir de grandes distances. Pour limiter son impact, il faudrait effectuer des piégeages réguliers, ça demande des moyens humains qu’on n’a peut-être pas. »

L’ami des oiseaux

Yann le guide naturaliste, féru de voiliers traditionnels, de patrimoine maritime, de pêche à pied, de flore du littoral, aime les oiseaux « parce qu’ils aiguisent ma curiosité, parce que leur identification parfois difficile m’oblige à une gymnastique de l’esprit. Ils ne se livrent pas d’emblée. Je suis sur l’eau toute l’année, avec eux, ce sont des compagnons. Certains m’emmènent en voyage, me font rêver. Ils racontent des histoires. » Comme ce pigeon, dont les restes ont été retrouvés dans le nid d’un faucon crécerelle, à Cézembre : « on a récupéré sa bague, il venait d’Angleterre. Il a traversé la Manche et a été dégommé juste devant Saint-Malo, se marre Yann. Ça rappelle des trucs, non? »

texte Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE sauf mention contraire

sensations littoral, l’asso de Yann Contact : 0662543898

4 commentaires
  1. Cecile PEIGNE 1 juillet 2017

    Merci yann de partager la vie de ces oiseaux

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  2. Mary Dehlinger 2 juillet 2017

    Passionnant, je vais maintenant regarder les oiseaux autrement et essayer de découvrir les différentes espèces Merci

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    • beatrice 2 juillet 2017

      Merci Mary! Nous n’avons pas parlé de l’aigrette, du chevalier,du fou de bassan…pour tout savoir, n’hésitez pas à suivre Yann dans ses balades..
      .

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  3. Gérard 23 juillet 2017

    Quelle passion et quelle chance de pouvoir observer et différencier ces oiseaux marins.

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