3 mai 2017

Alexia, vocation ange-gardien

By In Portrait

Les journées d’été à Saint-Malo ont le goût des esquimaux qu’on achète à la baraque du marchand de glaces, l’odeur du goëmon et des produits solaires, le son du ressac et des cris de joie des enfants, la couleur de la mer qui scintille et des parasols bariolés.

Un paysage enchanté qui a son revers : habitants naturels de la plage au contact piquant ou rugueux, algues glissantes, vents de terre et courants marins qui éloignent du rivage, rencontres douloureuses entre nageurs et surfeurs peuvent transformer une belle journée à la plage en mauvais souvenir.

Heureusement, des anges-gardiens veillent sur nos vacances.

Ils sont nageurs-sauveteurs, et arpentent la plage ou scrutent l’horizon depuis leur poste perché. Palmes et radio VHF à la main, sifflet autour du cou, ils sont aux aguets, prêts à bondir. Alexia est l’un de ces anges-gardiens. C’est une grande et jolie blonde de 21 ans, aux yeux bleus et au corps sculpté par des heures d’entrainement hebdomadaires. Elle a suivi dès ses 16 ans la formation de nageur-sauveteur, et, tout juste majeure, a passé ses étés à surveiller les plages, à Saint-Malo et Saint-Coulomb. Pourquoi ce choix? « Quand j’étais petite, je rêvais de devenir pompier. Je n’ai jamais osé sauter le pas… J’ai trouvé dans le sauvetage en mer une autre façon de porter assistance aux gens. Et puis mon père est maître-nageur, un de mes frères forme les futurs nageurs-sauveteurs…la vocation est venue naturellement.«  Sans oublier le goût du large : « toute la famille a de l’eau de mer dans les veines, sourit Alexia. Voir la mer tous les jours, y plonger est une nécessité. Je ne suis allée qu’une fois à Paris, ça m’a oppressée. Je n’avais qu’une hâte : rentrer à Saint-Malo! »

Faire des lames

Les journées d’été d’Alexia sont bien remplies. Avant l’ouverture des postes de secours en fin de matinée, elle court et nage pour rester en forme. « Je vérifie ensuite le bon état du matériel, du zodiac, des planches. Et j’assure la surveillance du littoral jusqu’à 19h.«  Nageur-sauveteur, c’est un travail d’équipe. Pendant que l’un fait la vigie au poste de secours, l’autre « fait des lames » en marchant au bord de l’eau. Selon l’étendue de plage à surveiller, et sa dangerosité, un troisième peut être affecté au zodiac, un quatrième à la bobologie…

Alerte à Malibu?

Le contraste est saisissant entre la décontraction des vacanciers et la concentration des sauveteurs. Les premiers sont là pour prendre du bon temps, les seconds n’ont pas droit à l’inattention. « On doit être constamment sur le qui-vive, dit Alexia. Être prêt à intervenir pour aller récupérer une personne en difficulté à la nage, en planche ou en zodiac, pour relever une personne qui a glissé sur des algues, pour réaliser les gestes de premiers secours… » Comme dans Alerte à Malibu? « On a regardé, bien sûr, et ça nous a fait bien rigoler. Ils en font des tonnes, on ne se reconnaît pas. Quand ils pratiquent un massage cardiaque, c’est du grand n’importe quoi. » La jeune Malouine n’a pas eu à le faire au cours d’une mission; elle en est ravie. « Je n’ai jamais eu à gérer une situation dramatique. J’ai appelé les secours une fois pour un malaise, heureusement sans gravité. Le plus souvent, on intervient pour ramener au bord une personne qui dérive sur son matelas pneumatique, pour un genou écorché sur les rochers, pour un enfant égaré... »

Aïe!

Il faut aussi gérer les rapports avec les vrais habitants malouins de la plage, les vives, les méduses et les goélands. Avec eux, il ne faut pas apprendre à partager, il faut se prémunir, et prendre garde. Les oiseaux font des piqués pour chaparder sandwiches et goûters dans les mains des plagistes, et distribuent à l’occasion coups d’ailes et coups de becs. Ça surprend, et ça peut blesser. Pour soulager les brûlures des piqûres de méduses, « on désinfecte tout simplement, sans frotter pour ne pas risquer de diffuser le venin. » Fréquente, la piqûre de vive est très douloureuse : « on a l’impression qu’on vous enfonce une aiguille dans le pied, qui devient dur comme de la pierre. » Un seul remède : « tremper le pied dans une bassine d’eau chaude additionnée de daquin. La chaleur neutralise le venin. »

Et le bouche-à-bouche?

À Saint-Malo, Alexia a surveillé les plages du Môle, de Bonsecours, de l’Éventail, du Sillon. À Saint-Coulomb, celles de la Guimorais et de l’anse du Guesclin. Certaines sont-elles plus dangereuses que d’autres? « Toutes ont leurs points noirs. À Bonsecours, c’est le plongeoir, surtout pour les enfants. Sur le Sillon, il faut veiller à ce que les baigneurs ne se retrouvent pas dans la zone de kitesurf. À l’anse du Guesclin, le shore break est dangereux : une vague puissante générée par la forte pente de la plage et qui éclate près du rivage. » Et les plagistes, ils sont sympa avec les nageurs-sauveteurs? « Oui, toujours. Certains ont un mot d’encouragement ou de remerciement en passant; d’autres, qui ne connaissent pas notre rôle, nous posent des questions. Et puis il y a toujours les gars qui demandent « et si je me noie, vous venez me chercher? Vous me ferez du bouche à bouche? » Un peu lourds, mais pas méchants… »

En forme

Vous l’avez compris, le nageur-sauveteur doit être vigilant. Il doit aussi être en pleine forme. Alexia fait ce qu’il faut pour ça : elle pratique depuis 2 ans le sauvetage sportif au sein de NautiSurf , toute jeune association créée avec la famille et les copains. Quatre à cinq fois par semaine, elle s’entraîne en piscine l’hiver, en mer dès que les beaux jours arrivent, sur piste pour travailler l’endurance. « C’est une discipline complète et spectaculaire, venue d’Australie, qui associe compétition et secourisme, et qui peut se pratiquer dès l’âge de 6 ans. J’adore ça. On est toute une bande de copains. Certains d’ailleurs surveilleront les plages cet été. » Pas elle? « Eh non…Je travaille depuis quelques mois dans un établissement malouin comme éducatrice sportive des activités nautiques, j’en suis ravie. Mais j’aurai un pincement au coeur quand les postes de secours ouvriront. »

Les anges-gardiens sont parfois appelés à s’envoler.

texte Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE

Dans le jargon des sauveteurs, faire des lames signifie surveiller la plage en marchant au bord de l’eau

La vive est un poisson qui s’enfouit dans le sable à marée basse, au bord de l’eau. En marchant dessus, le promeneur ou le baigneur peut poser le pied sur son dard venimeux. La seule façon d’éviter la piqûre est de porter des chaussons aquatiques ou des sandalettes de plage.

NautiSurf est affiliée à la Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme. On peut y pratiquer le surf et/ou le sauvetage sportif. L’association assure également les formations de sauveteur et de secouriste.

3 commentaires
  1. patricia breizh 3 mai 2017

    bonjour Béa,
    Passion, mer, sécurité. C’est le top pour cette jeune fille.
    Bravo pour ton texte. Toujours aussi bien écrit.
    Pat.

    Reply
    • beatrice 3 mai 2017

      Merci Pat! Bises

      Reply
  2. Gérard 13 mai 2017

    Bon vent à Alexia dans sa nouvelle activité.

    Reply

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