« Je m’appelle Lila, j’ai 5 ans, je suis un golden retriever. Je passe tous mes mercredis matin en prison.
À 9h30, en compagnie d’Yvonnick, mon maître, je trépigne devant la porte de la maison d’arrêt. J’aime bien venir ici. Au début, ça n’a pas été facile. Faut dire qu’il y a beaucoup de bruit, dans une prison. Les clés et les grilles qui tintent, les voix qui résonnent m’ont un peu déboussolée. Et puis il a fallu rassurer les détenus qui m’ont prise pour un chien policier. Quand ils ont vu que je n’étais pas une renifleuse, ils m’ont adoptée. Ils ont compris que j’étais juste là pour leur apporter réconfort et affection, ce que je distribue sans compter. Mon maître dit que je suis excessive. Excessive dans l’affection que je donne, excessive quand je joue, excessive quand je mange…C’est sans doute vrai mais, quand on aime, on ne compte pas…
Quand la porte s’ouvre enfin, je passe vite sous le portique, je salue les surveillants. Puis je vais faire le tour des cellules. Pour dire bonjour, j’ai mes habitudes. Il y en a un par exemple qui adore que je lui lèche les mains. Comme ça nous fait plaisir à tous les deux, pourquoi se priver? J’ai la mémoire gourmande : je sais que dans les bureaux de la prison, le personnel a de la Vache qui rit rien que pour moi. Je sais aussi dans quelle cellule m’attend un Petit Lu. En prévision de mes écarts alimentaires du mercredi, Yvonnick réduit ce jour-là ma portion de croquettes. Il pense à ma ligne.
Ici, tout le monde est content de me voir, les surveillants comme les détenus. Quand j’arrive, l’ambiance est plus légère. À ce qu’on dit, je suis une bouffée d’air frais dans un espace confiné, un trait d’union entre les hommes qui y vivent, une visiteuse sur laquelle tout le monde s’accorde. Je vois bien que certains attendent le mercredi avec impatience. Ils rangent leur cellule pour me recevoir, préparent des friandises. Je sais, je sens, comment me comporter avec chacun : quand me montrer affectueuse, quand attendre qu’on me caresse, quand faire le premier pas, quand réconforter ou consoler. Yvonnick dit que je suis très douée pour comprendre les gens. Yvonnick aussi, il est doué pour ça. Les détenus lui parlent. Il est modeste, il préfère dire que la sympathie qu’ils ressentent pour moi rejaillit sur lui…
Au début de la visite, dans les cellules ou au parloir, je suis le sujet de la discussion. « Une porte d’entrée », dit Yvonnick. Et puis la conversation s’envole : les hommes qui sont là parlent du chien qu’ils avaient quand ils étaient petits, de celui qui les attend dehors, et d’autres choses qui n’ont rien à voir avec les chiens. Parfois, ils rient. Parfois, ils pleurent aussi. Parfois, ils ne disent rien, mais ils restent auprès de moi, et je sens que ma présence les apaise, leur fait du bien.
Les hommes qui sont ici, je ne sais pas qui ils sont, ni ce qu’ils ont fait. Je m’en fiche, je suis un chien. Je suis là pour donner de l’affection. C’est tout. Y’en a qui disent que c’est beaucoup, que c’est même essentiel. Ils ont sûrement raison. Yvonnick dit que je le surprends encore par ma gentillesse, et par l’amour absolu que je porte aux gens. Il dit aussi que je rends les hommes plus humains. Je crois que c’est un compliment. »
texte Béatrice ERCKSEN – photos ©Gérard CAZADE
Umanima, l’association de Lila
Les interventions d’Yvonnick et Lila sont organisées avec le soutien de l’Association de soutien et de développement de l’action socio-culturelle et sportive (ASDASCS) : 02 99 56 12 43
Très chouette histoire