Si un jour, en vous promenant du côté de la Varde, vous apercevez une silhouette immobile, un appareil photo devant les yeux, surtout ne la dérangez pas. Ce serait sacrilège. La Varde est un endroit unique à Saint-Malo, d’où Évelyne ramène les preuves que les oiseaux du paradis, son paradis, existent bien.
Évelyne a toujours préféré l’école buissonnière à l’école de la République. « C’est vrai que j’aimais pas trop ça, les cours, quand j’étais gamine. Je préférais passer des heures chez ma grand-mère, à jardiner avec elle. Elle connaissait des tas de choses, qu’elle n’avait pas apprises dans les livres. Elle m’a surtout donné le goût de la nature, l’envie d’en rester toujours proche et de la protéger. » Évelyne a appris « que la coccinelle, en plus d’être jolie, était utile car elle mangeait les pucerons », que le ver de terre « qui gigotait à mes pieds travaillait la terre », et surtout, elle a découvert des visiteurs. « Nous étions souvent trois dans le jardin : un rouge-gorge nous tenait régulièrement compagnie pendant nos travaux, perché sur la brouette, et dans toutes nos promenades, nous étions accompagnées par le chant des oiseaux. »
Osmose
C’est donc tout naturellement (bien sûr) qu’Évelyne est devenue membre de Bretagne Vivante, touchée par ses actions pour protéger l’environnement, avec comme viatique une phrase de Henry David Thoreau : La nature à chaque instant s’occupe de notre bien-être. Elle n’a pas d’autre fin. Ne lui résistez pas. « J’ai adhéré très tôt à l’association, acheté une longue-vue et commencé mon initiation. » Jusqu’à ce jour béni de 2015 où elle a pu s’offrir l’objectif dont elle rêvait, juste après son départ en retraite. Cette année-là, « les oiseaux m’ont fait un cadeau magnifique : j’ai eu l’impression qu’ils m’attendaient, ils étaient là, nombreux, au bout de mon objectif. J’ai photographié des tas d’espèces, bien plus que les années qui ont suivi. » Et elle n’a pas arrêté. « La photo m’a permis de vraiment connaître les oiseaux. Quand on reste longtemps immobile à essayer de capturer l’instant propice, on apprend beaucoup sur leurs habitats, leurs régimes et leurs comportements. »
Le village des oiseaux
Depuis, dès qu’elle le peut, Évelyne quitte l’intra-muros où elle vit, monte dans le bus n°8, descend à l’arrêt Pont, marche 10 minutes pour rejoindre la Varde, un ancien site militaire, protégé depuis 1989, dont les oiseaux ont fait leur village. « C’est un espace qui offre un habitat diversifié, propice à la biodiversité : on y trouve des zones humides, des roches, des ronces, des buissons, des prairies. La fauche n’a lieu qu’à la fin de l’été, après la nidification. On rencontre donc là des nicheurs, des migrateurs, des sédentaires, oiseaux de mer et de rivage comme du jardin, des parcs ou des campagnes. Le Conservatoire du littoral y a répertorié 56 espèces. C’est un endroit extraordinaire. J’y passe des heures.»
Cultiver la patience
Pour approcher les oiseaux, il faut cultiver la patience, la discrétion, savoir faire corps avec la nature. Évelyne fait ça à merveille : « j’arrive tout doucement, casquette sur les cheveux car j’ai remarqué que les oiseaux me repèrent sans elle, ça doit être mes cheveux blancs…Je ne fais pas de bruit, je peux rester presque immobile pendant de longues minutes, parfois 1/2 heure. Je suis dans un état particulier, proche de l’hypnose. C’est comme si je ne faisais qu’un avec l’oiseau que je photographie. Comme lui, je suis de passage.»
Et c’est ça qu’elle apprécie. Cette proximité, cette parenté, cette communauté. Ce partage. Parce que ce qu’Évelyne aime par-dessus tout chez les oiseaux, « c’est leur liberté. Quand ils volent, quand ils migrent, je pars un peu avec eux. »
Les oiseaux de la Varde
Évelyne a sélectionné pour nous quelques oiseaux qu’elle affectionne particulièrement, ou qui sont facilement identifiables, pour peu qu’on soit patient :
-le traquet motteux, « de passage, est un très bel oiseau au croupion blanc, avec un T noir inversé sur la queue. On le trouve tout en haut de la Varde, sur la partie prairie de la falaise. En avril-mai, il présente une robe noire et une gorge un peu orangée. En ce moment, il a déjà revêtu son manteau d’hiver. »
-la fauvette grisette, « pas très grosse, je l’adore ! Elle est généralement insectivore, mais devient fructivore avant de repartir au Sahel. C’est une nicheuse qu’on trouve dans les buissons, la lande et les ajoncs. Elle a un beau chant. »
-le bruant zizi, « jaune et rouille. » Pourquoi zizi ? « C’est le son qu’il émet quand il s’envole. C’est un granivore au bec robuste, au vol rapide, qui aime les terrains secs. »
-la linotte, « que j’aime parce qu’on disait de moi que j’étais une tête de linotte quand j’étais petite ! C’est un oiseau insouciant, qui fait son nid n’importe où, pour le plus grand plaisir des prédateurs. Le mâle présente une poitrine très rouge en été. »
-l’alouette des champs, « qui commence à redresser sa huppe quand on approche, quand elle sent le danger. Elle monte haut dans le ciel ; elle chante au sol, mais surtout en vol. »
-le tarier pâtre, de la famille des rouges-gorges, est « un des oiseaux de la Varde les plus faciles à voir ; il y demeure toute l’année. »
-le torcol fourmilier, migrateur de la famille des pics, « se nourrit de fourmis et ne fréquente pas nos régions. Pourtant, j’en ai vu un l’an dernier. Je n’ai eu le temps de ne faire qu’une seule photo. »
-l’hirondelle rustique, « qui rejoint ses compagnes fin septembre autour de la mare, puis quelques jours plus tard sur les fils électriques, avant de migrer. L’an dernier, le groupe était prêt au départ le 24 septembre, je m’en souviens encore. Elles étaient si belles, toutes ensemble, que j’en ai été toute émue ; j‘en ai oublié de les photographier. »
Texte Béatrice Ercksen / photos © Gérard Cazade (sauf mentions contraires)
Évelyne partage ses photos sur son site, en vend parfois, expose aussi. Elle prépare un livre qui mêlera ses photos et les textes qu’elles lui inspirent.
Ci-dessous, les photos d’Évelyne
Très bel article et très bel endroit où j’ai passé toute mon enfance
Endroit à protéger des promoteurs …
Le conservatoire du littoral veille aux grains, heureusement…
tête de linotte également je n’ai lu cet article, réservé dans ma mémoire, qu’aujourd’hui. Malgré tout le mal fait à la nature, elle arrive à résister un peu, mais pour combien de temps ? Ces oiseaux de La Varde sont vraiment très beaux, les commentaires sont aussi intéressants. Merci
Merci Bruno, c’est toujours un plaisir de vous lire
Beau récit d’une passionnée de la nature ,cela me rappelle mon enfance et nos échappées
dans les campagnes à travers bois et prairies Protégeons ce site !
Amitiés
Quelle chance a Evelyne, il y a bien longtemps que l’on ne voit plus d’alouettes dans nos campagnes. Continuez la photo pour nous montrer ces belles images.
Ah, l’alouette, je l’adore! Son chant est pour moi le son de l’été, dans les prairies du bord de mer ou dans les champs. Elle disparait hélas, tu as raison Gérard, et c’est bien triste…bises à toute la famille