Chaque matin, Françoise prépare sa tournée à la poste de Rocabey, enfourche son vélo façon triporteur , dessert le quai Duguay-Trouin, et commence la distribution de la vieille ville par la Place Chateaubriand. Le vélo est posé ici ou là. Elle continue à pied. « Les escaliers d’intra-muros en deux roues , c’est pas facile… » Elle foule les pavés, s’engage dans les ruelles sombres, remplit les boîtes, monte les escaliers des maisons anciennes pour remettre un recommandé. Toujours avec plaisir. « J’aime bien ces vieux escaliers, du côté de la cour la Houssaye. Depuis les appartements, là-haut, on aperçoit des jardins clos qu’on n’imagine pas vu d’en bas . »
Françoise partage la distribution avec deux collègues. Son secteur à elle, c’est en gros le côté droit de la ville. La tournée a évolué depuis qu’elle a débuté, en 1992. « Il y a des rues que je ne fais plus, mais je continue à voir leurs habitants, sur le trottoir ou dans les commerces. Certains sont devenus des amis, on se retrouve pour déjeuner. » Elle est comme ça Françoise, » elle s’intéresse aux autres, dit Jean-Michel, un commerçant qui la connait depuis des années. Elle aime les gens. » Françoise a un peu la tête dans le guidon, souvent le regard curieux, toujours l’oreille attentive. On l’interpelle, elle salue.
« Bonjour, Françoise! » lui lance un monsieur âgé qui la croise rue Porcon. « Bonjour! Les enfants vont bien? » Le monsieur dodeline du chef. « Ça va. On les a eus huit jours. C’est bien aussi quand ils repartent! » Le tout en une poignées de secondes, comme c’est devenu la règle. « On n’a plus vraiment le temps de discuter, regrette-t-elle. Mais quand il y a un recommandé et que les gens ne sont pas là, j’essaie de repasser en fin de tournée, plutôt que de laisser un avis. Bon, c‘est de plus en plus rare. Sinon, je finis à pas d’heure… »
L’importance de la pause
Parce qu’il faut bien souffler un peu, faire une coupure dans sa tournée de 7 heures, Françoise prend sa pause dans un café près de la cathédrale. Elle y retrouve les habitués, toujours, ses collègues, parfois. « Pendant longtemps, j’ai pris le café avec un couple d’habitants : le bar était à mi-chemin de leur appartement et des magasins. La dame avait du mal à marcher. Alors tous les matins, quand ils faisaient leurs courses, ils s’arrêtaient au bar pour qu’elle se repose. Ils y arrivaient en même temps que moi, c’est comme ça qu’on s’est connus. Plutôt que prendre son jus chacun de son côté, on s’est mis à la même table. Quand la dame est tombée malade, qu’elle ne pouvait plus sortir de chez elle, je lui amenais le journal. Et je lui envoyais des cartes postales quand j’étais en vacances, ça lui faisait plaisir. »
Bons baisers
Les cartes postales, c’est un poste de dépense important : « j’en achète beaucoup c’est vrai, ça fait un peu râler mon mari. » Il faut bien renvoyer l’ascenseur : « quand les gens sont en vacances, ils m’envoient des cartes, alors je leur en envoie quand je pars. Je pense aussi à mes clients âgés qui sont contents de recevoir du courrier. Et puis ça fait marcher la Poste! « On est facteur ou on ne l’est pas.
Une écoute
Jean-Michel le dit très bien: « Françoise, elle est fait partie de l’intra-muros ». Et pas n’importe quelle partie. Françoise, c’est un courant de fraîcheur et de joie entre les appartements et les maisons, une écoute, un soin. C’est la vie qui passe entre les habitants. On pourrait dire qu’elle est de leur sang. Même si le sang s’appauvrit. » Il y a moins de monde intra-muros. Avant, quand je faisais le Placître, je voyais des gens. Maintenant, tout est fermé. Et puis il y a ceux qui vivaient ici à l’année, et qu’on ne voit plus : on apprend un jour qu’ils sont partis habiter dans un autre quartier, pour pouvoir louer leur appartement aux touristes. Heureusement, les logements qui ont été faits dans l’ancien commissariat et au dessus de la Poste ont ramené des familles… »
Une vie après le travail
Après le travail, Françoise rentre chez elle, du côté de l’Aquarium. « Je ne pourrais pas vivre dans les murs, parce que j’y travaille. Il faut bien couper du boulot! C’est comme les vacances : pour les apprécier, il ne faut pas les passer où on habite. Et puis ça serait invivable : quand je suis en congés et que je me promène avec des amis intra-muros, il y a des gens qui trouvent le moyen de me demander si j’ai du courrier pour eux. Je les aime bien les habitants, mais quand même…Ça fait bien rigoler les copains. »
Françoise la mascotte
Françoise, « c’est la mascotte d’intra-muros, sourit Gérard. J’ai été commerçant pendant plus de 20 ans, elle a toujours été ma factrice. Quand elle m’apportait le courrier, elle mettait les enveloppes de l’URSSAF ou des impôts et les factures en dessous du tas. Elle me prévenait, en le déposant sur le comptoir : « dessous, c’est pas terrible… » Françoise hausse les épaules : « c’est quand même plus agréable de commencer la journée par les bonnes nouvelles, non? »
texte Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE
Très Beau texte pour décrire l’engagement et l’amour de Françoise auprès de ses habitants.
Bravo Bea. Ta voisine Patricia B.
Merci Pat! A St Malo, les voisins sont sympa. Encore une raison d’aimer notre ville!
Un bel exemple de vie et de solidarité
Le contact humain avec un grand H
C’est vrai que les facteurs ou factrices on les aime bien, avec notre ancien facteur parti à la retraite nous nous saluons toujours d’un grand geste de la main, avec le nouveau, beaucoup plus jeune, nous commençons à sympathiser…