C’est l’histoire d’un grand-père, de son petit-fils, et d’un petit bateau. Une histoire de sel et de vagues, d’algues et de soleil, de coquillages et de poissons. L’histoire de la pêche côtière, de ses joies, de ses peines, de ses enjeux, de ses devoirs, et bien plus encore. Car ce que Louis enseigne à Marin, ce n’est pas la mémoire d’un pêcheur, c’est son art et son avenir.
« Marin avait 4 ans quand je l’ai emmené pêcher la première fois. Il voulait m’accompagner, et moi ça me plaisait bien de lui apprendre la mer. » Sur le pêche-promenade de Louis, à Rothéneuf, les 2 casiers à homards et araignées sont embarqués, les cannes allongées, le casse-croûte bien calé. Le mercredi, le week-end, pendant les vacances, grand-père et petit-fils pêchent, « à condition que les devoirs soient faits. »Au casier, à la canne, en mer, depuis les rochers ou au bas de l’eau, tout est bon pour ces mordus. « Au début, il avait peur de la vitesse du bateau, et des vagues qu’il voyait arriver, » sourit Louis.
L’impatience de la jeunesse
Mais ça, c’était avant. Marin aujourd’hui est grand : il a 10 ans, enfile son gilet de sauvetage tout seul -Louis ne plaisante pas avec la sécurité- et n’a plus peur de rien. « Il arrive même à dormir quand on file à 20 noeuds, se marre Louis. Si rien ne mord au bout de quelques heures, il abandonne la partie et va se coucher. » En guise de lit, le siège du pilote ou un bout de bâche au fond du bateau. « Je me trouve un coin et je m’endors, confirme Marin. Moi, si je ne pêche rien, ça ne me plait pas. » Qu’est ce qu’il lui plaît, à Marin, dans la pêche? La perspective de manger…« J’adore le poisson, surtout le bar. Mais ce que je préfère pêcher, c’est le maquereau, parce que ça mord souvent. » Papy en soupire avec indulgence. « C’est les gamins d’aujourd’hui. Ils n’ont plus de patience. Et à la pêche, il en faut. J’ai vu passer une journée en mer et ne rien ramener. »
L’apprentissage
Et puis il y a tant de choses à connaître avant de dévorer son filet de poisson.« Je lui apprends les détails qui font la différence quand on pêche : sur quels cailloux poser les casiers et à quelle hauteur d’eau, comment lancer quand on est sur un bateau sans blesser quelqu’un, comment monter un leurre sur une agrafe, comment pêcher dans les retours de courant pour que le leurre soit toujours en tension… » Marin sait aussi descendre l’annexe, l’amarrer avec un double noeud, brancher le coupe-circuit avant de démarrer le moteur, jeter l’ancre… »pour qu’il puisse gérer le bateau si je fais un malaise. »
Complices
Marin écoute, retient, applique, apprécie. « Papy est un bon professeur. Il m’a appris à poser les casiers et à les relever, à pêcher à la ligne, à m’occuper du bateau, à ramer…Il m’a offert une canne quand je suis passé en CM1. »
Louis et Marin, « ils font la paire ». Pascal, l’ami de Louis, partage avec lui l’amour de la mer. Il a vu Marin grandir. « L’un est plein d’expérience, de sagesse; l’autre est un peu foufou comme on peut l’être à 10 ans, enthousiaste, plein de vie. Ils ont une relation magnifique. Marin, qui ressemble au père de Louis, admire son grand-père. Il est réceptif à ce qu’il lui apprend : la sécurité en mer, les bonnes pratiques, la préservation des espèces, les usages au bas de l’eau… Louis adore son petit-fils. On le sent heureux de lui transmettre tout ce qu’il sait. » Au large de Cézembre, à la pointe du Grouin, jusqu’à Fréhel ou Chausey, Louis et Marin traquent la dorade, le maquereau, le lieu, la vieille, l’orphie.
Les bonnes pratiques
La passion de Louis pour la pêche remonte à loin. « Mes parents étaient agriculteurs et bossaient beaucoup. Mon grand-père, qui a arrêté de travailler à 50 ans, avait du temps à me consacrer. Il m’a appris les marées, comment se déplacer sur les rochers, comment monter les hameçons. Il m’ a aussi appris à ne jamais tourner le dos à la mer. » 50 ans plus tard, Louis transmet ce savoir à Marin. Et beaucoup plus. « Les bonnes pratiques, la préservation des espèces, on n’en parlait pas. Les pêcheurs plaisanciers ont fait des erreurs, moi le premier. Les tailles, les quantités, les femelles grainées, on ne faisait pas vraiment attention. On pêchait. Point. Trop parfois. Même en donnant aux copains, aux voisins, on n’arrivait pas toujours à tout écouler. Certains lendemains de pêche, les maquereaux qui n’avaient pas été mangés embaumaient les poubelles de Rothéneuf. On se sent un peu coupables. Mais c’est fini tout ça. »
Une pêche durable
Marin écoute son grand-père, hoche la tête. Les bonnes pratiques lui sont naturelles, qu’il soit avec papy ou avec ses copains Achille et Arthur, avec lesquels il pêche « dans les trous des rochers des gobilles qu’on relâche ». Ou avec ses camarades de classe à qui il a montré, pendant un exposé, « une photo d’un homard femelle grainé qu’il faut remettre à l’eau ».
Louis s’est fait l’ambassadeur d’une « pêche intelligente » dont il transmet les règles à son petit-fils. Il se bat aujourd’hui pour que tous les professionnels « mesurent l’impact destructeur de certaines pratiques. Les plaisanciers ont fait des efforts pour que les stocks se renouvèlent; maintenant, on doit faire la chasse aux bateaux qui pêchent au-dessus des frayères, qui ramènent des prises trop petites, qui ne rejettent pas les femelles grainées. Si on ne s’y met pas tous, qu’est-ce qu’on va leur laisser, à nos petits? »
texte Béatrice ERCKSEN / photos © Gérard CAZADE
Graines de pêcheurs : apprendre aux enfants la pêche durable
Une belle histoire en cette période de vacances ,un papy attentionné envers son petit fils . Le sage qui transmet son savoir à la nouvelle génération ! Exemple à suivre .
Merci de nous régaler ,Béatrice , on en redemande .
A bientôt pour la prochaine lecture .
Amicalement
YVES
Bonjour Yves, merci! On continue l’aventure, en espérant découvrir longtemps de belles histoires à raconter. On vous embrasse
Adorable ! J’aurais aimé avoir un tel grand-père mais mon grand-père bigouden était parti avant que je n’apparaisse… Un bel amour grand-père-petit-fils, qui en gardera un souvenir pour le reste de sa vie et surtout lui donnera un chemin à parcourir. Et le grand-père a retrouvé le fils (ou la fille) avec lequel (laquelle) il n’osait pas avoir cette complicité. Etre Papa n’est pas être grand-père et l’inverse est vrai (n’est-ce pas Gérard le photographe ?)
Magnifique, cette histoire de grand-père et de petit-fils.
Une très belle rencontre, merci.
Tout le plaisir est pour nous, Nadine
Moi aussi j’ai eu un grand père d’exception d’ailleurs je l’appelais grand père pour marquer la différence à une époque où on le nommait pépère.
Il m’a légué beaucoup de choses bien vivantes encore aujourd’hui.
Je m’efforce d’être comme lui!
Des choses que tu as transmises à ton tour à tes élèves, qui t’en sont reconnaissants… Je t’embrasse